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Samia Kassab-Charfi et Hind Soudani dir. | Économies du vivant : le témoignage de la littérature | Œuvres & Critiques | nov. 2024

Parution du numéro XLIX, 1, « Économies du vivant : le témoignage de la littérature » de la revue Œuvres & Critiques (Narr/Francke/Attempto Verlag – Tübingen), dirigé par Samia Kassab-Charfi et Hind Soudani, novembre 2024.
Économies du vivant: le témoignage de la littérature 

L’idée de ce volume est née d’un constat qui a nourri et conforté la nécessité d’une plus grande transversalité dans le traitement de problématiques impliquées dans les thématiques des humanités. Le constat en question, quoique généré par un contexte assez consternant, est celui de l’impact des dérèglements climatiques et environnementaux sur l’inspiration littéraire et de la redéfinition des projets scripturaux et du rôle des écrivains. Plusieurs études récentes attestent du fort investissement de l’approche écopoétique et écocritique dans la recherche, aussi bien en Occident qu’au Maghreb (Zlitni-Fitouri ed., Réinventer la nature. Pour une écopoétique des littératures d’expression française, 2024). Selon Evi Zemanek (« Pour une écologie littéraire », 2019), les mutations environnementales impactent la créativité littéraire au point où certains genres vont se trouver réinfléchis par cette nouvelle préoccupation écopoétique. Ainsi, si les déséquilibres désastreux qui affectent aujourd’hui la planète ont impulsé des écofictions où les dystopies abondent, le sentiment de « désenchantement du monde » (M. Weber, Le savant et le politique, 1917/ trad. Plon, 1959), ne cesse de s’exacerber, à la fois sous les poussées du néolibéralisme et de l’extractivisme effréné, mais aussi des transgressions biomédicales ainsi que des radicalismes nationalistes.

Les multiples exhortations et alertes lancées par la société civile ainsi que par des scientifiques, économistes et penseurs vigilants à repenser les modes consuméristes et les logiques de production industrielle et agricole, de même que la « marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie » (Céline Lafontaine, Le corps-marché, 2014), attestent ainsi de la nature hautement anxiogène de notre nouveau rapport au monde. Dans une telle situation, les routines narcissiques entrent en conflit avec une éthique citoyenne, aiguisée par la nécessité d’anticiper des visions à long terme et par l’éveil du sentiment déontique d’une responsabilité transgénérationnelle. Alors la littérature, comprise au sens le plus inclusif, devient le lieu d’une réexploration des économies du vivant et se donne à redécouvrir, au moins, comme l’agent plus ou moins efficient d’une écologie culturelle (Hubert Zapf, Literature as Cultural Ecology. Sustainable Texts, 2016).

Ce volume a invité des chercheurs issus de domaines variés, notamment des économistes qui puisent dans le fonds de la littérature pour éclairer leur réflexion, à penser conjointement les facettes de cette réexploration. Ils se sont ainsi penchés sur le décryptage et l’évaluation des types de conceptualisation et de refondation des systèmes d’exploitation du vivant tels que les restitue ou les recompose en particulier la littérature. La nature, l’animal, l’homme et son habitat, les alchimies biologiques, les gestes de l’économie patrimoniale qui ont constitué le substrat du savoir sur lequel nous construisons nos futurs, ont été nommés et interpellés, en une lecture interrogeante, actualisante, absolument préoccupée par la mise en lumière des équivoques. En se saisissant notamment de corpus exemplaires de cette renégociation du rapport entre l’humain et le non-humain, les contributeurs ont soulevé des problématiques centrales pour notre vécu et nos perceptions actuelles. Comment le déficit de confiance entre la nature et l’homme installé par la crise climatique, combiné à l’essor de l’IA et à celui des biotechnologies médicales, se répercute-t-il sur les configurations des poétiques littéraires ? Selon quels algorithmes nouveaux le symbolique lié au vivant voit-il ses codes repensés, modifiés ? C’est à cette réflexion complexe que nous avons voulu convier les lecteurs de ce numéro d’Œuvres et critiques.
Pour commander le numéro, voici l’adresse mail de contact: abo@narr.de.

The idea for this volume emerged from an observation that reinforced the need for greater interdisciplinary approaches in addressing issues central to the themes of the humanities. This observation, though born from a rather disconcerting context, pertains to the impact of climate and environmental disruptions on literary inspiration and the redefinition of writing projects and the role of writers. Several recent studies highlight the significant engagement with ecopoetic and ecocritical approaches in research, both in the West and in the Maghreb (Zlitni-Fitouri ed., Réinventer la nature. Pour une écopoétique des littératures d’expression française, 2024). According to Evi Zemanek (“For a Literary Ecology,” 2019), environmental changes are influencing literary creativity to such an extent that certain genres are being reimagined through this new ecopoetic lens. Thus, while the disastrous imbalances affecting the planet today have spurred ecofictions rife with dystopias, the sense of the “disenchantment of the world” (M. Weber, Le savant et le politique, 1917/ trad. Plon, 1959) continues to intensify, fueled by the forces of neoliberalism, rampant extractivism, biomedical transgressions, and nationalist radicalisms.

The numerous calls to action and warnings issued by civil society, as well as by vigilant scientists, economists, and thinkers, urging a rethinking of consumerist habits and the logic of industrial and agricultural production – alongside the “commodification of human life in the era of bioeconomy” (Céline Lafontaine, Le corps-marché, 2014) – attest to the highly anxiety-inducing nature of our new relationship with the world. In such a context, narcissistic routines clash with a civic ethic sharpened by the need to anticipate long-term visions and the awakening of a deontic sense of transgenerational responsibility. Literature, understood in its most inclusive sense, thus becomes a space for re-exploring the economies of life and is rediscovered, at the very least, as a more or less effective agent of cultural ecology (Hubert Zapf, Literature as Cultural Ecology: Sustainable Texts, 2016).

This volume has invited researchers from diverse fields, including economists who draw on literary sources to inform their reflections, to jointly consider the facets of this re-exploration. They have focused on deciphering and evaluating the types of conceptualization and reimagining of systems for exploiting life as depicted or reconfigured, particularly in literature. Nature, animals, humans and their habitats, biological alchemies, and the practices of patrimonial economies that have formed the foundational knowledge upon which we build our futures have been named and interrogated through a questioning, updating, and deeply concerned lens, aimed at illuminating ambiguities. By engaging with exemplary corpora of this renegotiation of the relationship between the human and the non-human, the contributors have raised central issues for our lived experiences and current perceptions. How does the crisis of trust between nature and humanity, exacerbated by the climate crisis and compounded by the rise of AI and medical biotechnologies, reverberate in the configurations of literary poetics? By what new algorithms are the symbolic codes related to life being rethought and reshaped? It is to this complex reflection that we have sought to invite the readers of this issue of Œuvres et critiques.

To order the issue : abo@narr.de.

Lisa Frankel

Étudiante en M1 de Lettres modernes à l'École Normale Supérieure de Lyon.

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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lisa Frankel (21 janvier 2025). Samia Kassab-Charfi et Hind Soudani dir. | Économies du vivant : le témoignage de la littérature | Œuvres & Critiques | nov. 2024. Animots. Consulté le 19 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1344u


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